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Interview
Interview d'Augustin Lebon pour "Résilience" (04/2017)
Récit d'anticipation écologique, Résilience est au monde des O.G.M. ce que Mad Max est à celui du pétrole. Pour mieux comprendre cette bande dessinée porteuse d’un message fort, nous avons posé quelques questions à l’auteur, Augustin Lebon.
• L’univers de Résilience rappelle des œuvres telles que Soleil Vert ou Mad Max. Pensez-vous qu’un futur aussi noir est envisageable ?
J’espère que non ! Résilience est avant tout une fiction, j’exagère et je condense certaines situations pour créer une aventure avec de l’action et des rebondissements. Beaucoup d’éléments sont réels mais je crois qu’on imagine toujours le futur en fonction du présent dans lequel on se trouve.
Je suis d’une génération qui a grandi avec les problèmes environnementaux, la surconsommation, le retour de l’extrémisme et j’en passe…les questions que je me pose sont plutôt : Un présent aussi noir est-il acceptable ? Doit-on se battre pour que ça change ? Comment ?
La noirceur de Résilience vient de ma colère face à tout ça. Adam et Agnès, mes deux personnages principaux doivent survivre dans un monde hostile où la productivité agricole a remplacé toute logique humaine. Ils sont complètement dépassés par les évènements et doivent pourtant trouver la force de continuer.
• Quel regard portez-vous sur l’agriculture moderne ?
Tout dépend de ce qu’on entend par agriculture « moderne ». L’agriculture industrielle qui s’est développée dans l’urgence après la seconde guerre, notamment grâce au progrès de la recherche chimique, est aujourd’hui archaïque. Continuer de pourrir l’environnement et la santé des gens n’a aucun sens (si ce n’est celui d’enrichir les géants de l’agro-alimentaire).
Pour moi, l’agriculture réellement moderne aujourd’hui, c’est l’agro-écologie. Elle est nettement plus productive au m² que l’agriculture industrielle et redonne de la fierté à ceux qui la pratiquent. La transition ne sera malheureusement pas simple, si les pouvoirs en place ne soutiennent pas ce changement alors que les consommateurs le demandent, j’ai bien peur que ce soient les agriculteurs et les agricultrices qui en souffrent les premiers.
• À quel type de recherches vous a amené l’écriture de cet album ?
J’ai évidemment regardé beaucoup de documentaires sur l’alimentation et l’agriculture à travers le monde. C’était parfois assez dur à encaisser (malformations, intoxications, suicides…), mais heureusement, on y voit aussi beaucoup de gens se battre et essayer de changer les choses. La Résilience existe déjà, ça motive !
J’ai également lu différentes choses sur la Résistance pendant la seconde guerre, ou sur des associations qui luttent en faveur des paysans en Inde ou en Amérique du sud, pour crédibiliser le réseau secret des résilients.
Et enfin, beaucoup d’éléments viennent de mon quotidien, des champs de maïs désertiques derrière chez moi, avec leur lot de pesticides et de renards morts, mon potager, les villes que je fréquente (Bruxelles, Louvain-La-Neuve, Roubaix…), et plein d’autres choses ! J’ai besoin et j’accumule énormément de documentation, que ce soit pour le scénario ou le dessin.
• Seriez-vous plutôt résilient ou résistant ?
Difficile à dire ! Ce n’est pas pour rien si j’ai créé différents personnages avec différentes opinions, ils portent tous quelque chose de moi. Mais je crois que je suis un peu plus à l’image d’Adam, qui ne parvient pas à trouver sa place. Il est trop en colère pour être un bon résilient totalement pacifique, mais pas assez idiot pour être extrême ou violent. Il n’est d’ailleurs même pas certain de vouloir être quoi que ce soit…Sans doute que s’il était né à une autre époque, il ne se serait pas poser de question.
Mais il n’a pas eu cette chance et le voilà embarqué dans un monde qu’il n’a pas voulu…